Hull envoyé spécial
Clare arrive dans la salle avec son nouveau-né blotti dans ses bras, sous des cris de joie. Ses amies l'entourent, la félicitent, lui tapent l'épaule comme des sportifs après un match, admirent son ventre plat et s'emparent l'une après l'autre du cocon blanc d'où émerge un visage plissé et rouge écrevisse. Mère et fière de l'être, Clare est enfin des leurs. Une semaine après son accouchement, elle ne montre aucun signe de fatigue, ni d'angoisse. «Ce qui m'ennuie, c'est de revenir à l'école», lance-t-elle, espiègle, à l'intention de ses professeurs. Elle a 16 ans. Ses condisciples sont encore plus jeunes. Elles ont l'âge des premières sorties, des premières rébellions et des premières imprudences.
Elles arborent des frimousses rieuses couvertes de taches de rousseur, portent des tresses d'écolières et paraissent à l'étroit dans leurs corps inachevés. Gauches, graciles, renfrognées ou volontaires, elles ressemblent à toutes les adolescentes, mais ne discutent que de péridurale, de césarienne, d'allaitement ou de sevrage. «Elles ne parlent que de bébé !», soupire leur directrice, Julie Stamper. Autrefois, l'école dispensait des cours de navigation aux marins-pêcheurs. Hull, l'ancien grand port morutier du nord de l'Angleterre, n'est plus qu'un cimetière à bateaux. Le bâtiment victorien, cerné par des maisons abandonnées, abrite depuis 1989 «The Schoolgirl Mums'Unit», l'unité scolaire des filles mères. Un collège public conçu comme un nid douillet. Un abri où o