Les mains vissées sur les poignées de sa carriole, Slimane se cabre sous l'effort. S'il parvient à passer les sacs de farine de l'autre côté du rempart de terre édifié par les soldats israéliens à l'entrée de son village, il aura gagné trois shekels (un peu moins de un euro). Sur les cailloux, l'engin dérape, dégageant un nuage de poussière qui vient se coller au visage en sueur de l'adolescent. Un dernier effort, et celui-ci doit se retenir pour ne pas glisser de l'autre côté. Son véhicule pourrait blesser les femmes qui tentent avec peine d'escalader le mur improvisé, un bébé ou des sacs de provision dans les bras.
«Je fais ça depuis le début du bouclage des territoires par l'armée, j'arrive à gagner 30 à 50 shekels [environ 8 à 14 euros] par jour», dit fièrement le jeune Palestinien. A 15 ans, Slimane est le seul soutien d'une famille de neuf personnes. Son père, qui travaillait en Israël, est au chômage depuis que les territoires palestiniens ont été bouclés par l'armée, peu après le début de l'Intifada. Le fils, qui ne supportait plus de tourner en rond, a pris le relais. Il a pioché dans ce qui restait des économies familiales pour acheter la carriole (500 shekels, soit 140 euros) et, de 7 heures à 19 heures, propose ses services aux habitants de Beit Hanoun, un village palestinien de la périphérie d'Hébron, coupé en deux par une route flambant neuve créée là pour faciliter la vie des colons.
Anes et mules. Bien sûr, le rêve de Slimane serait d'avoir un âne. Le travail s