Spécialiste de l'Europe centrale au Ceri (Centre d'études et de recherches internationales), Jacques Rupnik analyse, dans une interview à Libération, l'impact sur les pays candidats des disputes et des reculades des Quinze face à l'élargissement.
Comment voit-on à l'Est ces bagarres sur le coût de l'élargissement ?
Quand on fait de tels comptes d'apothicaire, on oublie l'essentiel : le formidable surplus commercial qu'enregistrent les Quinze avec les pays candidats. Combien d'emplois, par exemple, sont liés à leurs exportations vers l'Est ? On perd aussi le fil politique de l'élargissement : élargir la démocratie et la stabilité en Europe n'a pas de prix. A ceux qui insistent sur le coût, l'Europe centrale est donc tentée de répondre : «Avez-vous essayé de chiffrer celui du non-élargissement ?» Pour avoir un ordre de grandeur, il faut chercher du côté des Balkans, voir ce qu'est le coût d'une intervention militaire, celui d'une reconstruction, celui enfin des protectorats actuels. A côté, le budget de l'UE 1 % du PNB communautaire paraît dérisoire. Si l'on parle du coût, plusieurs candidats comme la Slovénie ou la République tchèque ont découvert qu'en entrant ils allaient devenir des contributeurs nets au budget européen (versant plus qu'ils ne toucheront, ndlr). Quand ils entendent le discours sur le thème : «Mon Dieu que l'élargissement va coûter cher», ils sont donc stupéfaits. D'un côté, on leur dit : «Vous pouvez entrer, mais vous ne participerez que partiellemen