Istanbul envoyé spécial
Quand les premiers résultats sur le raz de marée des islamistes modérés de l'AKP ont commencé à tomber, un journaliste, au comité de rédaction du grand quotidien Hurriyet, a proposé en plaisantant un titre de une qui mettrait tout le monde d'accord : «Pas de souci, l'armée veille.» La boutade exprime les états d'âme d'une partie de l'opinion encore sous le choc. Un massif bâtiment brunâtre qui s'élève en périphérie d'Ankara est le lieu du réel pouvoir dans le pays. Là, siège le Conseil national de sécurité (le MGK, en turc) où le chef d'état-major et les représentants des trois armes siègent aux côtés notamment du chef de l'Etat et du Premier ministre. Plusieurs centaines de fonctionnaires triés sur le volet bûchent les sujets «sensibles». Ironiquement, des intellectuels l'appellent «le politburo». «C'est là que se prennent les réelles décisions sous la tutelle des militaires qui, au travers de ce conseil, contrôlent et guident la politique du pays», accuse Erol ÷zkoray, ex-directeur de la revue libérale et proeuropéenne Idea Politika, contrainte à la fermeture après une demi-douzaine de procès, pour avoir dénoncé «le coup d'Etat permanent».
500 000 hommes. Créé après le coup d'Etat de 1960, renforcé après celui de 1971, le MGK a vu ses compétences encore élargies dans la Constitution instaurée après celui de 1980. Forte de 500 000 hommes et pilier du flanc sud-est de l'Otan, l'armée turque se considère ainsi comme la gardienne d'une certaine idée de la