Gibraltar envoyé spécial
«Entre deux démons, on préfère le moins cruel.» Les deux démons de Leslie: l'Espagne, si proche, mais si honnie, et la Grande-Bretagne, lointaine, hautaine, mais, à choisir, un moindre mal. Le jeune Gibraltarien n'hésitera pas une seconde en mettant son bulletin dans l'urne, aujourd'hui. Comme l'immense majorité de électeurs, il votera non au référendum, non aux projets de Madrid et Londres qui, pour régler un contentieux vieux de trois siècles (lire encadré), négocient un nouveau statut pour cette colonie britannique des confins de l'Andalousie. Cette ébauche d'accord évoque une «souveraineté partagée» entre les deux pays (qui n'accordent aucune légitimité au référendum) a de quoi hérisser les habitants du «Rocher», qui ne veulent en aucun cas entendre parler des revendications du «démon» madrilène.
Leslie parle, au choix, un anglais parfait et un espagnol à l'accent andalou. Une de ses grands-mères était espagnole. Son nom, Bruzon, serait d'origine maltaise. Il ne se sent ni anglais, ni espagnol mais llanito. Llanito est le diminutif, avec prononciation andalouse, de Gianni, tous ces Giovanni génois qui, en 1704, aidèrent l'amiral anglais George Rooke à prendre la forteresse aux Espagnols. Depuis, Gibraltar s'est peuplé de vagues successives de tout ce que la Méditerranée a pu compter de marins, guerriers, commerçants errants. Vénitiens, Maltais, Portugais, séfarades, Majorquins, Corses, Chypriotes... Le tout mélangé au sang des soldats de la base br