Munay Pata envoyée spéciale
«Je vais replanter... Que faire d'autre ?», murmure le petit homme sec, la joue gonflée par la boule de coca qu'il mâchonne. A Munay Pata, communauté de la région de Chaparé, la parcelle de Justinio, cocalero (1) bolivien de 38 ans, a été récemment «éradiquée», comme tant d'autres, par les militaires. «Il y a six mois, les hélicoptères sont revenus et ont lancé du gaz lacrymogène sur les champs, raconte-t-il. Avec mes six enfants et ma femme, on est partis se cacher. Tous les plants de coca ont été coupés à la machette. Et comme chaque fois, tout le monde replante.»
Une nécessité. Près de quinze ans après l'adoption de la loi 1008 sur l'éradication (lire ci-contre), le bilan est des plus mitigés. La guerre antidrogue a laissé de nombreux cadavres sur sa route, tandis que prospèrent des milliers d'hectares de coca. Le mois dernier, un militaire a sauté sur une mine antipersonnel et, lors d'un affrontement avec l'armée, un cocalero a reçu une balle dans la poitrine. Les bus qui arrivent dans la région sont systématiquement fouillés par les militaires, à la recherche de produits chimiques destinés à l'élaboration de la cocaïne. Une cinquantaine de laboratoires clandestins ont été démantelés. Pour la soixantaine de familles de Munay Pata, la culture de la coca n'est pourtant pas un choix mais une nécessité. Les paysans n'ont même pas de route pour se rendre au village voisin. Seul un sentier étroit et dangereux permet de rejoindre, après deux heures de