Un pays au bord de l'abîme, où un simple képi, un patronyme jugé suspect peuvent entraîner une mort immédiate. Dans un rapport rendu public hier à Bamako, au Mali, trois mois après le début de la crise, Amnesty international dresse un tableau accablant de la situation des droits de l'homme en Côte-d'Ivoire, et appelle à «une mobilisation internationale immédiate» pour éviter le bain de sang. En octobre, l'ONG britannique avait mené une première mission sur Abidjan. Cette fois, elle a pu enquêter, non sans difficulté, de part et d'autre d'un front mouvant.
«Listes noires». Amnesty évoque ainsi l'existence de «fosses communes» à Bouaké contenant les corps de dizaines de gendarmes, auxquels elle s'est vu interdire l'accès par le Mouvement patriotique de Côte-d'Ivoire (MPCI, rebelle). Elle s'inquiète aussi du sort de dizaines de gendarmes et de représentants de l'Etat arrêtés au début du soulèvement, et dont on est sans nouvelles. Dénonçant «le caractère systématique» des exécutions sommaires de délinquants «avérés ou présumés» au nom du maintien de l'ordre, l'association affirme que des Ivoiriens portant un patronyme «sudiste», donc suspect de sympathie envers le gouvernement, sont empêchés de circuler librement par les rebelles. Côté gouvernemental, l'ONG a rassemblé des témoignages concordants faisant état de «listes noires» sur lesquelles figurent les noms de suspects à appréhender, ou à abattre, en zone rebelle. Des personnes qui ont le tort de porter un patronyme «nordiste»