«J'ai été trahi par le gouvernement français.» A travers le grillage de sa cellule du Centre de détention de l'immigration de Bangkok, où s'entassent 150 autres détenus, Abdelkader Tigha raconte l'odyssée qui l'a mené d'Algérie à cette prison de Bangkok où il croupit depuis deux ans. Jusqu'à sa fuite, en 1999, Tigha est un cadre du Département du renseignement et de sécurité (DRS), l'ex-sécurité militaire algérienne. Pendant les années les plus noires de la «sale guerre», il est chef de brigade au Centre territorial de recherche et d'investigation (CTRI) de Blida, de 1993 à 1997. Cette ville, siège de la plus importante région militaire d'Algérie, est devenue aussi un fief islamiste après le début des affrontements ayant suivi l'annulation des législatives de 1991 remportées par les islamistes. Le CTRI est chargé «d'identifier, de localiser et d'évaluer le degré d'implication» des sympathisants présumés des GIA. Une partie du travail de Tigha consiste à superviser l'infiltration de ces groupes par des agents «retournés» par son service.
Muté à Alger. Fin 1996, il est chargé d'établir un rapport d'enquête sur la disparition de deux professeurs proches des GIA. Le rapport, qui implique la police judiciaire militaire, déplaît à ses supérieurs. Muté à Alger, Tigha doit restituer son arme de service. Il apprend qu'on l'accuse d'accointances avec les islamistes. Le message est clair : mieux vaut quitter le pays. En décembre 1999, il parvient à passer en Tunisie pui