Belfast envoyé spécial
Des fillettes, cartable au dos, se dépêchent de rejoindre le car de ramassage scolaire garé devant l'une des nombreuses fresques militantes de la ville. Comme leur ombre projetée sur le mur, se dressent au-dessus d'elles les silhouettes peintes en noir d'une mère et de ses enfants. «Personne ne doit vivre dans la peur du harcèlement sectaire», peuvent-elles lire chaque matin en allant en classe. Un demi-kilomètre de bitume et de haine les sépare de Holy Cross, un établissement catholique dans une enclave protestante devenu le symbole du fossé grandissant entre les deux communautés d'Irlande du Nord.
Le chemin de l'école, semblable à tous les autres pendant des décennies, y compris au pire moment des «troubles», s'est mué en un parcours du combattant. Depuis juin 2001, des enfants se retrouvent entraînés dans un jeu jusque-là réservé aux adultes. Les riverains protestants leur font payer leurs affrontements quotidiens avec leurs voisins catholiques. Il y a encore quelques mois, elles remontaient Ardoyne Road, escortées par des soldats en tenue de combat, entre deux rangées de blindés, à travers une foule hurlante. Elles empruntent maintenant un bus. Un trajet de quelques minutes, un peu moins exposé aux cris et aux pierres. «Ces derniers temps, c'est plutôt calme et les vitres sont solides», se félicite le chauffeur. Une jeep de la police l'attend au passage d'une frontière inscrite sur aucune carte. Des parents jettent des coups d'oeil inquiets à travers