Ancien vice-président de Médecins sans frontières, prix Goncourt en 2001 pour son roman Rouge Brésil (Gallimard), Jean-Christophe Rufin vient d'être nommé président de l'association humanitaire Action contre la faim (ACF), une ONG meurtrie par la démission fracassante de Sylvie Brunel (Libération du 7 mars 2002).
Qu'est-ce qui vous incite à renouer avec l'humanitaire ?
Je suis médecin de formation, un métier qui se situe à mi-chemin entre la réflexion et la pratique. Quand je suis trop dans la réflexion, l'action me manque, et vice versa. En tout cas, je ne me suis jamais considéré comme membre à part entière du milieu littéraire.
En démissionnant, Sylvie Brunel a stigmatisé une dérive de l'humanitaire vers le «business». Ce reproche est-il toujours d'actualité ?
Cette critique est recevable : il y a un réel danger de bureaucratisation. Mais il n'y a pas de fatalité, c'est à nous de donner une impulsion forte pour précéder les donateurs plutôt que de les suivre. Le milieu humanitaire a vécu une croissance extraordinaire dans les années 70 et 80, suivie d'une période de flottement. Aujourd'hui, pour éviter cet écueil, il nous faut revenir au sens même de notre action : la compassion, au sens tocquevillien du terme, c'est-à-dire souffrir à la place de l'autre. Sans cette préoccupation humaine, il n'y a pas d'humanitaire.
Vous entamez votre mandat alors que l'Afrique est confrontée à une crise alimentaire de grande ampleur. Que comptez-vous faire ?
Nous devons nous démarquer des posi