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Libération
Interview

«C'est un homme qui n'a pas de parole»

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par Valentine LESCOT
publié le 8 février 2003 à 22h10

Très populaire dans son pays comme en France, le chanteur de reggae ivoirien Tiken Jah Fakoly stigmatise depuis des années dans ses albums la corruption et les dérives du pouvoir. Après avoir été proche de Laurent Gbagbo, il est aujourd'hui réfugié à Bamako, au Mali, d'où il dénonce avec virulence les agissements du régime.

Le comédien Camara Yéréfé a été assassiné il y a quelques jours à Abidjan. Quelle est votre réaction ?

C'est mon ami et mon frère qui a été exécuté. Je suis sous le choc. Le pouvoir à Abidjan a voulu assassiner quelqu'un que tout le monde connaît afin d'effrayer les gens et de leur faire comprendre que plus personne n'est à l'abri.

Vous êtes originaire du nord du pays, mais ne résidez plus en Côte-d'Ivoire...

Cela fait des années que je crains pour ma vie à Abidjan ; mais, cette fois, c'est devenu vraiment sérieux. On a affaire à une dictature dirigée par un homme qui n'a pas de parole. Une semaine avant le début des troubles, le 19 septembre, un journal d'Abidjan affirmait à sa une que deux personnes étaient dans le collimateur du pouvoir : Alpha Blondy et moi. Dans ces conditions, je préfère faire mille ans en exil que de rester dans un pays où je ne peux pas m'exprimer. On peut passer une journée sans manger, pas sans parler.

Par le passé, vous avez été interdit d'antenne à la télévision ivoirienne. Est-ce toujours le cas ?

Cela dépendait des pouvoirs. Au temps d'Henri Konan Bédié (président de 1993 à 1999, ndlr) et du général Gueï (1999-2000, ndlr), j'ai eu