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Libération

Wisika Dharmadasa. Sri Lanka. «Le temps n'arrange rien à la douleur» .

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publié le 19 février 2003 à 22h24

J'avais deux fils dans l'armée srilankaise. Le 27 septembre 1998, mon fils Acintha Senarath, 22 ans, a disparu. Je n'avais plus de nouvelles de lui. Lorsque je m'adressais à l'armée, on me répondait : «Ne vous en faites pas. Votre fils va bien.» Son frère s'est aussi inquiété. Par un camarade de combat, il a appris que personne n'avait vu Acintha depuis les affrontements avec les Tigres de libération de l'Eelam tamoul [LTTE, la guérilla indépendantiste tamoule] du 27 septembre. Je me suis rendue aussitôt à la Croix-Rouge pour signaler que mon fils était porté disparu. Mais faute de document officiel de l'armée, la Croix-Rouge refusait d'ouvrir un dossier à son nom. Cela a pris des semaines, mais finalement, l'armée m'a fait une attestation. Cette attitude est révélatrice : du côté des autorités, il n'y avait pas vraiment de prise de conscience ni de réelle volonté de prendre à sa juste mesure la question des disparus.

Vous pouvez écrire des millions de pages et vous ne rendrez pas encore compte de la douleur, de l'angoisse, du sentiment de perpétuelle attente. Le téléphone sonne au milieu de la nuit et vous vous dîtes : «Il revient». Vous ne faites plus qu'attendre. Le temps n'arrange rien à la douleur. C'est même pire. Pour que nous puissions recommencer à vivre, pour que le deuil puisse se faire, il faut retrouver le corps. J'ai fondé, avec d'autres, une association de parents de disparus au combat. Depuis vingt ans au Sri Lanka, 4000 soldats ont disparu. Nous avons des con