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Libération
Enquête

Etat à l'agonie vendrait Patagonie

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Le soupçon court la steppe : le gouver-nement de Buenos Aires songerait à céder cette immense région aux Etats-Unis et à leurs banques, contre l'effacement de sa dette colossale.
publié le 4 mars 2003 à 21h46

Patagonie (province de Chubut) envoyé spécial

Du pétrole et des moutons. Comme des insectes dans la steppe, des centaines de puits de pétrole pompent inlassablement l'or noir du désert patagonien. Au détour d'une colline grisâtre rabotée par le vent, un groupe de moutons se partage de maigres touffes d'épineux grillés par le soleil l'été, le gel l'hiver. La route asphaltée qui relie Comodoro Rivadavia, la capitale du pétrole, et Rawson, siège du gouvernement de la province du Chubut, est rectiligne sur 450 kilomètres, au beau milieu d'un paysage sans fin. Seule présence humaine, une station-service à mi-parcours, quasi-réplique du Bagdad Café. A l'heure du déjeuner, des camionneurs silencieux font refroidir le moteur de leur mastodonte en engloutissant de gigantesques entrecôtes cuites à la braise. Les passagers des deux bus qui se croisent envahissent les toilettes et se ruent sur les bouteilles d'eau fraîche. Avant de repartir pour au moins 200 km de plateau désolé, sans un pet d'ombre et avec un vent à décorner les boeufs. Impossible de l'éviter. Un panneau sur le mur de l'agence de location de voitures de l'aéroport local met en garde : «Toujours ouvrir les portières face au vent.»

La Patagonie s'étend entre ce que les marins appellent le 40e parallèle «hurlant» et le 50e «rugissant». Sur les collines qui surplombent Comodoro Rivadavia, de gigantesques éoliennes profitent d'une ressource ici inépuisable pour produire une partie de l'électricité nécessaire à la ville. Parto