Bogota de notre correspondant
Les mains crispées sur le volant, Soraya Gutierrez a vu la camionnette grossir dans son rétroviseur, la doubler puis lui bloquer brutalement la route. «Trois hommes sont descendus et ont entouré mon véhicule, en me criant de descendre», se rappelle-t-elle. Ce soir-là, dans une rue de Bogota, l'avocate a réussi à échapper aux mitraillettes de ses agresseurs grâce à une embardée de sa voiture blindée. L'une des plus graves attaques contre une membre du collectif colombien José Alvear Restrepo venait d'échouer. Depuis vingt-deux ans, cette association d'une dizaine d'avocats traque les violations des droits de l'homme dans un pays où sévissent deux guérillas marxistes, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, 17 000 hommes) et l'Armée de libération nationale (ELN, 4 000 hommes), et une force de 10 000 à 15 000 paramilitaires d'extrême droite. Lundi, à Genève, le collectif a reçu le prix Martin Ennals, attribué par dix grandes organisations internationales de défense des droits de l'homme.
Massacres. Soraya Gutierrez et ses collègues sont devenus des spécialistes de la lutte contre les crimes d'Etat. Entre assassinats de syndicalistes planifiés depuis les casernes et massacres de paysans perpétrés à quelques jets de pierre des barrages militaires, les dossiers noirs des institutions colombiennes abondent. Le gouvernement «stigmatise et poursuit toute forme d'opposition sociale ou politique», a dénoncé le président du collectif, Alirio Uri