Bagdad envoyé spécial
«C'est bien simple, dit Tarek, le patron d'une boulangerie du quartier de Karrada. On se sent comme des oiseaux sortis de leur cage. On est un peu perdus, mais on se sent libres.» L'occupation américaine ? «Cent marines américains valent mieux qu'un habitant de Takrit» (la ville natale de Saddam Hussein, dont les natifs jouissaient de privilèges octroyés par le raïs, ndlr). Les amis de Tarek qui palabrent au coin de la boulangerie en mangeant des éclairs au chocolat acquiescent : «Avant, quand on sortait de chez nous, c'était la peur au ventre. On pouvait être arrêtés sous n'importe quel prétexte.» Les centaines, les milliers de civils tués sous les bombardements ? «C'était inévitable, c'est le prix de la liberté.» L'avenir ? «Bush nous a libérés et il va rétablir la sécurité. Puis les soldats américains s'en iront comme ils l'ont promis, inch allah, une fois que la démocratie sera établie.» De réserves sur les intentions des Etats-Unis, Tarek et ses amis n'en ont guère. Trop de membres de leur famille ont disparu un jour pour ne jamais réapparaître. Un chauffeur de bus s'immisce dans la conversation pour dire que son oncle a purgé huit ans dans les prisons de Saddam car il était suspecté à tort d'avoir collecté de l'argent pour un parti d'opposition.
Coque vide. Au coin d'une rue du quartier d'Al-Salhiya, plongé dans la fumée ocre du ministère de l'Information, incendié par les pillards qui n'ont laissé qu'une coque vide, déboulent deux jeunes gars, des