Buenos Aires de notre correspondant
Un des bastions de la révolte populaire de décembre 2001 est tombé, à deux jours du premier tour de l'élection présidentielle qui se tient dimanche. A l'aube du Vendredi saint, la police est venue déloger les cinquante-six ouvriers qui occupaient, depuis un an et demi, l'usine de textile Brukman, à Buenos Aires. Quelques heures plus tard, sous la pluie glacée, une centaine de militants d'organisations de gauche protestent devant les ateliers, en plein centre de la ville. La plupart des quinze organisations de chômeurs que compte la capitale sont présentes sous les banderoles du MTD (Mouvement des travailleurs au chômage), du CCC (Courant combatif classique), de Barrios de pie («quartiers debout»), du PO (Pôle ouvrier) ou du MST (Mouvement sans travail). L'usine est en difficulté depuis 1995. Elle a été abandonnée par ses propriétaires à la fin de l'année 2001, au pire moment de la crise économique, et avait été reprise par une cen taine de travailleurs sur les trois cents que comptait l'entreprise à l'époque ou elle exportait chemises, costumes ou vestes au Brésil et en Uruguay. Brukman, une des cent cinquante usines «récupérées», était devenue le symbole de l'autogestion ouvrière, mais aussi d'un slogan «Qu'ils s'en aillent tous» mis en pratique avec un certain succès.
Un choix désespérant. Mais depuis quelques semaines, les expulsions d'usines et de locaux, transformées par des assemblées de quartier en salles associatives ou en cantin