Lipri envoyé spécial
Le visage tendu, le fusil à l'épaule, Chrisente garde son village. Au bout du canon de son arme, une peau de fauve, un gri-gri «pour chasser l'ennemi». Avec Chrisente, une vingtaine de soldats assurent la sécurité du hameau de Lipri. Ils ont 11 ou 12 ans en moyenne. Des enfants devenus soldats, l'un des symboles du conflit interethnique qui secoue l'Ituri, district du nord-est de la république démocratique du Congo.
Briques noircies. En réalité, ces petits bouts d'hommes aux regards trop graves n'ont pas grand-chose à garder. Toutes les maisons de Lipri ont été pillées, brûlées, rasées. Sur la route de Bunia, le chef-lieu de l'Ituri, on ne croise au milieu des bananeraies qu'une succession de tas de briques noircies, de bouts de bois carbonisés. En février et mars, des miliciens de l'ethnie minoritaire hema ont attaqué à plusieurs reprises la communauté lendu, majoritaire. «C'est à ce moment-là que je suis devenu militaire», explique Chrisente. Pour ce petit soldat, la guerre qui ensanglante l'Ituri n'est pas une affaire compliquée : «Les Hemas venaient pour nous tuer. Maintenant, je les tue à mon tour.»
C'est pourtant face à un véritable casse-tête que se trouvent les enquêteurs de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc), venus faire la lumière sur la dernière vague de violences. Au coeur de leur enquête, le massacre de Drodro, une ville à 80 kilomètres au nord de Bunia. Là, le 3 avril, ce sont des miliciens lendus qui auraient exterminé plusieurs ce