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Libération
Reportage

Firaz, la langue coupée et la peur des tortionnaires

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Il a été amputé le 13 mars par des sbires du régime, impunis et libres.
publié le 15 mai 2003 à 23h00

Bagdad envoyé spécial

Ses geôliers l'ont tiré hors du fourgon et lui ont arraché le bandeau qui entourait ses yeux. Les mains toujours entravées, ébloui par la lumière éclatante, il a alors reconnu les rues de son très populaire quartier d'Huriya et le café Kahedin, avec une foule de quelques centaines de personnes scandant en choeur «par notre sang, par notre âme, nous nous sacrifierons pour toi, ô Saddam». Au premier rang, il y avait son père Adnan et sa mère. Jamais il n'oubliera cet après-midi du 13 mars. Un officier des Fedayin de Saddam, une des plus redoutables milices du défunt régime, a lu à haute voix la sentence : «Monsieur Oudaï Hussein (l'un des deux fils du dictateur, ndlr) a ordonné de couper la langue de Firaz al-Deleymi, 23 ans, devant les habitants du quartier afin que cela serve d'exemple.» Un des gardiens a posé le canon de sa kalachnikov sur sa tête. Un autre lui a ouvert la bouche puis, avec une tenaille, a tiré sa langue. Son collègue a pris un couteau et l'a coupée à moitié. Firaz s'est évanoui sous la douleur. Les gardiens ont jeté le bout de chair sanguinolent dans la poussière. La foule continuait de scander des slogans à la gloire de Saddam. Des sbires filmaient en vidéo une cassette envoyée à Oudaï pour montrer que ses ordres ont été exécutés. Tétanisé, le père de Firaz a suivi la scène : «On nous avait mobilisés comme tous les gens du quartier et je croyais que c'était une manifestation comme tant d'autres. Je n'ai rien pu dire ou faire. A la moi