Bagdad envoyé spécial
Désoeuvrés, les chauffeurs palabrent à l'ombre d'un mur. «On nous a menacés de détruire les bouteilles et les camions si nous reprenions les livraisons», explique l'un d'eux, résigné. L'usine est barricadée et étrangement silencieuse. Les machines sont arrêtées. «Notre dernier espoir, ce sont les Américains qui ont promis de venir aujourd'hui ou demain, inch Allah», renchérit le PDG, Mehdi Al Said. L'enseigne qui ornait le portail a été retirée, mais nul ne se fait d'illusions. Tous les Bagdadiens savent que ce bâtiment déglingué de la zone industrielle, près du quartier populaire d'Al Zaferanya, abrite la plus grande brasserie irakienne qui, «avant», produisait quotidiennement quelque 10 000 caisses de 20 bouteilles de Sanabil ou de Ferida, les bières favorites du pays. La «Manufacture de Bagdad pour l'industrie d'alcool», société mixte, est désormais une cible symbole pour les islamistes de la capitale.
Vendredi, peu après la prière, une vingtaine d'hommes armés se sont emparés de deux gardiens de l'usine. «Ils ont dévasté les bureaux puis se sont dirigés vers les réserves. Avec des ouvriers et des voisins, nous avons réussi à les faire fuir, mais ils ont promis qu'ils reviendraient pour tout détruire», témoigne Hasan Ali, un des 170 salariés. «Ce n'étaient pas de simples pillards et ils agissaient pour des raisons religieuses», assure le directeur. Le même jour, trois petites distilleries en périphérie étaient attaquées, et les heurts ont fait deux mor