Menu
Libération
Interview

«Comme les animaux de la fable»

Article réservé aux abonnés
Le G8 à Evian. Dario Fo Prix Nobel de littérature
publié le 29 mai 2003 à 23h11

Evidemment, on imagine d'avance que je ne vais pas faire dans la nuance. Lorsque je regarde le G8, j'ai l'impression que le monde reste foncièrement divisé entre ceux qui ont, qui dirigent, et ceux qui n'ont rien. Je n'arrive pas à sortir de cette vision binaire. Le G8 ? C'est l'organisation des patrons du système financier international, de la rente économique organisée, du marché comme seul horizon pour l'humanité... Arrêtons de prendre des détours pour en parler : oui, le G8 décide de tout. C'est lui qui actionne telle ou telle manette, lui qui gère le pétrole, la santé, qui dicte sa culture au reste du monde. Et si je dis ça, c'est pour dire, comme le diront ceux qui manifesteront à Evian, qu'il faut instaurer des règles. Il faut cesser d'entuber les ouvriers des pays où est née l'industrie, lorsqu'elle se délocalise dans les pays où la main d'oeuvre est bon marché. Le G8, c'est l'organisation mondiale du profit, ni plus ni moins. C'est comme ça, et c'est désespérant. Quand je les entends prononcer des mots comme «éthique», «solidarité» ou que sais-je encore, j'explose de rire et de rage. Je n'ai jamais pensé que Karl Marx avait dit des couillonnades. Et c'est un peu en me référant à lui que je réagis, même si mes propos résonnent souvent comme ceux d'un anarchiste. Dans mon travail d'écriture, théâtrale ou littéraire, j'utilise l'allégorie, la métaphore. Alors, s'agissant du G8, je m'interroge : comment pourrais-je représenter un G8 sur une scène de théâtre ? C'est touj