Cracovie envoyé spécial
Czeslaw Milosz, prix Nobel de littérature en 1980, vit aujourd'hui à Cracovie. La maison où il est né en Lituanie, il y a quatre-vingt-treize ans, sise dans le domaine familial de Kalnoberzc, n'existe plus. Dans ce qui reste du domaine (et dont il a fait don), Milosz a inauguré une fondation portant son nom, abritant un centre d'études polono-lituanien. Après une dizaine d'années passées à Paris et quatre décennies au Etats-Unis, le voici de retour au pays. Il aurait pu revenir à Vilnius (Wilno en polonais), la capitale lituanienne, à laquelle il dit être «très lié». Mais «la population n'est plus ce qu'elle était avant guerre, les juifs ont été tués par les Allemands et par la Gestapo lituanienne, l'intelligentsia polonaise a émigré, le polonais n'est plus la langue de l'élite intellectuelle.» A Cracovie, Milosz retrouve «un climat proche de celui du Wilno d'autrefois, avec un cercle littéraire, des amis, une maison d'édition», et un hebdomadaire «catholique libéral» où il a ses entrées, Tygodnik Powszechny.
Milosz vivait dans cette capitale culturelle polonaise en 1945, rue Saint-Thomas, quand les Allemands y sont entrés, en février. On l'en chassa. Il y est revenu et n'en bougera plus : les médecins lui interdisent tout voyage à l'étranger. Ne voyant plus suffisamment pour écrire, il dicte désormais ses livres. Ainsi Orphée et Eurydice, un long poème dédié à sa femme décédée, un Abécédaire ou les poèmes en prose de Petit chien à côté d'une route, aut