Bunia envoyé spécial
Situé dans le quartier nord de Bunia, le grand marché a repris son activité la semaine dernière. Les ruelles sont quasiment désertes. Les murs de la plupart des magasins ont été défoncés. En passant la tête dans les trous béants, on ne trouve que du silence. Les pillards n'ont pas laissé grand-chose, et surtout pas les produits de «luxe», comme les vêtements, les radios, les ustensiles ménagers.
Charlotte Sikakale s'est installée dans la rue, en contrebas. Sur son sac en toile de jute, elle a disposé ses patates douces. Charlotte, âgée de 31 ans, comme des dizaines d'autres femmes, vient tous les jours au marché vendre ses légumes et raconter ce qui se passe en brousse. «Notre maison a été incendiée par des hommes armés», indique-t-elle. Sur sa cuisse, elle a posé le plus jeune de ses quatre enfants. Un nourrisson dont les cheveux clairs signalent de probables carences alimentaires. «J'habite à 30 kilomètres, il me faut plus de trois heures de marche pour venir ici. Et trois heures pour retourner auprès de ma famille avant la nuit. Nous dormons sous un arbre. Nous avons peur, tout le temps. On ne peut pas savoir s'il y aura une nouvelle attaque. C'est toujours par surprise qu'elles arrivent. Mais nous ne pouvons pas venir à Bunia. Nous n'y avons pas de parents. Et que ferions-nous de nos vieux ? Certains sont sourds, aveugles, ou trop faibles pour marcher longtemps.»
«Refuge». Dans cette même ruelle, on vend aussi de la levure, des aubergines, des feuilles