New York de notre correspondant
Plus d'un demi-siècle plus tard, les larmes perlent au coin des yeux clairs, la gorge se noue. Ernest Nives n'a rien oublié. Ni ce matin du 26 août 1942, quand les gendarmes français l'ont embarqué avec sa mère pour un «contrôle d'identité», alors qu'ils étaient hébergés chez des agriculteurs d'Herment, près de Clermont-Ferrand. Ni le voyage en train qui a suivi. D'abord jusqu'à Drancy. Et puis trois jours et quatre nuits «d'enfer» pour parvenir jusqu'à Auschwitz, entassés dans des wagons à bestiaux. C'est là, le 14 septembre, qu'il a vu sa mère pour la dernière fois. Quand les Allemands ont demandé aux hommes de descendre, elle a essayé de le retenir. Mais, à 17 ans, il était trop grand pour passer inaperçu. Dans un geste ultime, elle lui jettera sa valise, avant d'être acheminée vers le camp de Birkenau. Ce n'est que bien plus tard qu'il apprendra que personne n'y avait survécu.
Monopole d'Etat. Aujourd'hui, cet homme élégant de 78 ans, d'origine autrichienne, qui dispose de la double nationalité française et américaine, fait partie des 300 plaignants qui demandent réparation à la SNCF. Tous ont intenté, à New York, une plainte en action collective contre la Société des chemins de fer français, afin de dénoncer son rôle dans la déportation de plus de 76 000 personnes, juives en majorité, durant la seconde guerre mondiale. La plainte avait été rejetée, en 2001, par le juge David Trager, de Brooklyn, qui avait estimé que la SNCF, du fait de son