Pierre-André Taguieff, philosophe et écrivain, est directeur de recherche au CNRS.
La montée des communautarismes menace-t-elle la laïcité ?
La notion de communautarisme a une fonction essentiellement polémique. Je préfère parler de multiculturalisme. Celui-ci est non seulement une menace, mais c'est même l'ennemi le plus séduisant et le plus subtil de la tradition laïque à la française dont je pense qu'elle est universalisable. Face à la menace d'émiettement de la République, cette tradition se heurte à un dilemme : on n'impose ni n'exporte des valeurs de tolérance par l'intolérance. Il faut donc éviter de donner dans l'injonction paradoxale : «Soyez laïcs !»
D'où la nécessité d'éviter une loi sur le foulard porteuse d'effets pervers ?
Au contraire. Il est urgent de légiférer. L'argument de l'effet pervers constitue l'argument réactionnaire par excellence, c'est-à-dire celui qui autorise à ne rien faire. Aujourd'hui, il ne s'agit plus seulement de droits de l'homme ou de morale, mais de politique. Le port du foulard fait partie d'une stratégie d'intimidation face à laquelle l'Etat doit intervenir de façon non irénique. Tous les «communautarismes» ne sont pas équivalents. S'il y a problème, c'est bien à cause du «communautarisme» non pas musulman, mais islamiste, c'est-à-dire intégriste. Enfin, il faut partir du caractère nouveau de la situation de l'après-11 septembre. Les démocraties occidentales doivent faire face à un nouvel ennemi, l'islamisme radical. C'est pourquoi l'Etat doit réagir.
Au risque de gonfler les rangs intégristes ?
Je ne crois pas à ce danger car beaucoup de musulmans sont sur des positions laïques qu'ils défendent avec courage et luc