Da Jie envoyé spécial
Mang Fanxin fait les meilleures soupes de nouilles de la région, dans son restaurant de l'ouest de la province du Shandong, à 500 km au sud de Pékin. Il est aussi le secrétaire de la section du Parti communiste chinois du village de Da Jie, 750 âmes, sur la rive sud du fleuve Jaune, la deuxième voie d'eau de Chine.
Cet homme bourru d'une cinquantaine d'années a des états d'âme : le gouvernement a lancé à quelques kilomètres de là la dérivation du fleuve Yangtsé, destinée à alimenter en eau le nord de la Chine, qui souffre d'une sécheresse chronique. Ce canal sud-nord est l'un des plus importants chantiers d'un pays qui n'en manque pas (lire encadré). Sa construction débute alors que la première phase de l'édification du barrage des Trois Gorges, le plus grand du monde, d'un coût de 25 milliards d'euros, s'est achevée début juin avec la montée des eaux de 85 à 135 mètres et l'engloutissement de dizaines de localités.
L'intention est bonne, à en juger par l'état du fleuve Jaune qui, à cette hauteur, n'est plus qu'un modeste cours d'eau et, un peu plus à l'est, se résume à quelques flaques stagnantes que l'on peut traverser à pied... Le fleuve Jaune, long de 5 464 km, censé incarner le berceau de la civilisation chinoise, se meurt : depuis le milieu des années 80, il est à sec une bonne partie de l'année et 2003 est une nouvelle année catastrophique. Mao aurait déclaré un jour qu'on pouvait se moquer de tout, mais pas du fleuve Jaune : il serait moins catégor