Jia Zhangke n'est pas pékinois. Et pendant longtemps, le cinéaste, natif de la province du Shanxi, s'est senti étranger dans la capitale chinoise, qui, comme aux temps pourtant révolus de l'empire, se veut distante et imprenable. «J'ai l'accent et le visage des étrangers, et les Pékinois nous rejettent, surtout les vieux. J'ai plein de mauvais souvenirs avec des vieux», dit-il sans amertume.
Il aura fallu le Sras, le virus de la pneumopathie atypique qui a sévi au printemps, pour que Jia Zhangke se sente lié au sort de cette métropole dans laquelle il vit depuis dix ans. «Lorsque les rues se sont vidées en panique, fin avril, je me suis promené sur la chaussée, il faisait un temps brumeux. Et, pour la première fois, j'ai ressenti de l'amour envers cette ville. Elle a beaucoup de blessures, elle est pathétique.» «Pékin, ajoute-t-il, est le symbole de tous les revers que la Chine a connus, c'est une ville courageuse. Quand je relie ma propre vie à cette ville, je suis ému. Quand je me trouve place Tiananmen, je ne peux pas la regarder comme un touriste.» Dès son premier séjour, l'étudiant a su qu'il reviendrait à Pékin : «C'est une ville d'opportunités, et tous les artistes que j'admirais s'y trouvaient.»
Le Pékin de Jia Zhangke n'est donc pas celui de ses vieux habitants : il n'a pas la nostalgie d'un Pékin traditionnel en voie de disparition rapide. Ce n'est pas non plus celui des touristes : lors de sa première visite dans la capitale, en 1990, tout jeune étudiant des Beaux-A