Monrovia envoyée spéciale
Il y a deux Monrovia : le Monrovia qui meurt de faim, dans le centre-ville tenu par les forces gouvernementales, et le Monrovia qui mange, celui du port, contrôlé par les rebelles du Lurd (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie). Sur les quais, les entrepôts de Firestone, l'usine américaine de traitement du caoutchouc, débordent de riz. Des camions passent, bourrés de sacs. Des civils profitent de cette manne inattendue. D'un pas tranquille, ils sortent du port, un carton sur la tête biscuits, canettes de Perrier, lessive... C'est la pêche miraculeuse, au petit bonheur la chance.
A l'école de D. Tweh, où sont réfugiés des milliers de déplacés, c'est la fête. «C'est le Lurd qui apporte le riz ici», s'exclame Patrick Tapeh. «Nous mangeons très bien», renchérit Annick, avec un large sourire. Il y a quelques semaines, D. Tweh se mourait sous la pluie, on n'y parlait que des cas de choléra de plus en plus nombreux.
Profusion. Le petit marché de New Kruh Town regorge de viande. Au passage des voitures, certains brandissent des cuisses de poulet. Les pieds et les côtes de porc ont sans doute été pillés dans les chambres froides des alentours. Selon les commerçants, l'équivalent de 50 millions de dollars de marchandises se trouverait dans la zone aujourd'hui contrôlée par les rebelles. Conséquence de cette profusion, les prix ont baissé, une mesure de riz vaut 5 dollars libériens, contre près de 100 de l'autre côté de la ligne de front, à qu