Bagdad envoyée spéciale
Ils campent depuis plus de quinze jours sur un bout de place poussiéreux, face aux fils barbelés qui protègent le siège de la coalition américano-britannique. Ils manifestent parfois et crient, dans le vide qui les sépare du pouvoir, qu'ils veulent des emplois. C'est une première à Bagdad, c'est un «sit-in», disent-ils en anglais. Une cinquantaine d'hommes sont réunis derrière des calicots accrochés aux trois parasols qui leur servent d'abri la nuit. Ils appartiennent à l'Union des chômeurs, constituée le 1er mai, et leur histoire est celle de l'Irak.
«Armes et sacrifice». Il y a là Rashid, fonctionnaire au chômage depuis 1995, puis taxi, puis plus rien : «Depuis la chute de Saddam, même les maçons ne maçonnent plus.» Abed, viré de son travail après une dispute avec son chef, un membre influent du parti Baas : «Mais, lui, il est toujours en poste, et les Américains travaillent avec lui.» Halim, de retour d'exil en Turquie et en Syrie. Et encore Tarik, diplômé d'hébreu, parce que la faculté en avait décidé ainsi, qui, à 50 ans, n'a jamais eu d'emploi. Hussein, qui entre guerres et désertion n'a jamais connu la vie civile : «Je ne sais rien faire. Saddam ne nous a appris que le sacrifice et les armes.»
Les chemises sont élimées, les visages marqués, mal rasés. Un homme montre ses semelles trouées : «Je viens tous les jours à pied, qui peut payer un taxi ?» Un autre se plaint qu'il ne peut pas payer le médecin. «Et puis les femmes veulent divorcer.» Qui vou