Bagdad, Najaf envoyée spéciale
Le camion jaune s'approche doucement de l'entrée de la mosquée Buratha à Bagdad. Debout, campés au-dessus de la cabine du conducteur, cinq volontaires chiites, lourdement armés, pointent leur Kalachnikov avec ostentation. Posture martiale, immobiles, on croirait des statues si on n'entendait leurs sanglots profonds, bruyants, presque des hurlements. Derrière, dans le camion débâché, des notables chiites entourent le cercueil. Tout autour, la rue n'est qu'un martèlement sourd, un tambour humain, des dizaines de milliers de mains qui frappent les poitrines. Hier, à Bagdad, partait le convoi funèbre qui doit traverser l'Irak pendant trois jours, avant l'enterrement du haut dignitaire chiite Mohammed Baqr al-Hakim, mort vendredi dans un attentat qui fit plus de 100 morts près du mausolée de l'imam Ali, dans la ville sainte de Najaf, à 175 km de la capitale irakienne.
Monde codé. Très haut dans le ciel, un hélicoptère de l'armée américaine paraît être le seul signe de la présence des forces de coalition en Irak. «S'ils approchent, je les arrache d'ici comme je le ferais de mon turban», dit un passant. Tous les barrages et services de sécurité sont tenus par les civils armés des organisations religieuses. Dans ce monde chiite surcodé, où chaque geste, chaque soupir exprime un message, celui-là est clair. «Désormais, nous nous protégerons nous-mêmes», explique Ahmed Allam, un professeur d'université. Exclue de la vie publique et persécutée par Saddam Hu