Le Caire de notre correspondante
La voix s'étrangle. «C'est le jour le plus noir de ma vie. Comme si c'était hier.» Samah articule avec difficulté. La jeune fille, tout à l'heure volubile et gaie, est devenue d'une pâleur terrible. Ses mains se tordent, jointures blanchies. «J'avais huit ans. Je me souviens de la violence, de ces femmes qui m'ont attrapée et écarté les jambes. Il y a eu cette douleur atroce et du sang, partout.» Samah baisse la tête, accablée. Pendant quelques secondes, elle se tait, rajuste son voile déjà bien tendu sur ses hautes pommettes, et reprend son récit, livide. «Dans mon village, les familles se regroupent pour l'opération. La da'ya (exciseuse) se déplace pour plusieurs petites filles en même temps. J'ai vu les autres se faire couper devant moi, je ne comprenais rien, j'avais peur. J'ai essayé de m'enfuir, on m'a rattrapée, frappée. Et puis on me l'a fait.» Silence.
Banlieue. A côté de Samah, Mervat, 22 ans, secoue la tête, comme pour effacer ce souvenir. Originaire, comme son amie, d'al-Marg, banlieue misérable et oubliée en lisière de la gigantesque capitale égyptienne, elle a aussi connu l'horreur de l'excision. Comme 97 % des femmes égyptiennes, à en croire les statistiques du ministère de la Santé. Des chiffres accablants, légèrement revus à la baisse lors du récent colloque sur les mutilations génitales féminines au Caire. En Egypte, 60 à 80 % des femmes seraient en fait concernées par cette pratique d'origine pharaonique, qui touche chaque jo