Depuis combien de jours roulons-nous à travers l'Afghanistan ? Combien de provinces, de villes, de rivières avons-nous déjà traversé ? En cette mi-août 2003, les membres de l'expédition internationale qui vient, pour la première fois après vingt-quatre ans de guerres, de gravir le Noshaq, point culminant du pays à 7 492 mètres d'altitude, ont du mal à garder leurs repères. Après un mois en montagne, au grand air (1), le retour vers Kaboul prend des allures de calvaire pour les alpinistes amaigris que j'accompagne. Entassés à treize dans un minibus inconfortable, secoués de dix à douze heures par jour sur des pistes défoncées, couverts de poussière, nous mettrons six jours pour rallier la capitale. Epuisés, mais sans jamais avoir été inquiets pour notre sécurité.
Au moment même où un regain de tension, d'une gravité inédite depuis la chute du régime des talibans en 2001, fait une centaine de morts en moins d'un mois dans le pays, nous traversons tout son quart nord-est sans percevoir le moindre signe d'animosité à notre égard ni apercevoir la moindre scène de guerre, le moindre soldat étranger... C'est en effet dans le Sud que se multiplient attentats, affrontements entre «seigneurs de guerre» locaux sur fond de trafic de drogue et batailles rangées contre les talibans. Les militaires américains restent quasi invisibles dans le Nord comme à Kaboul et les soldats de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) patrouillent dans la capitale et ses environs, pas au-