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Libération

«En Haïti, être victime c'est déjà être coupable»

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Un rapport de l'ONU fustige la violence du régime du président Aristide.
publié le 12 novembre 2003 à 1h51

Genève de notre correspondant

L'«état d'impunité à Haïti se substitue toujours plus à l'état de droit» : le magistrat français Louis Joinet, nommé par Kofi Annan, le patron de l'ONU, pour enquêter sur les violations des droits de l'homme sur l'île des Caraïbes, lance un réquisitoire accablant contre le régime du président Jean-Bertrand Aristide.

L'homme avait suscité l'espoir en succédant, en 1990, à la dynastie des dictatures Duvalier («Papa» et «Baby Doc»). Le rapport de Louis Joinet, qui sera officiellement déposé aux Nations unies le 15 décembre, dresse un sombre bilan du régime de l'ex-«prêtre des bidonvilles» qui a renoué avec les méthodes dignes des «tontons macoutes», chargés de faire régner la terreur sous l'ère duvaliériste. «La situation risque de devenir gravissime. Quand des policiers vous font comprendre qu'on leur demande de participer à des missions que leur conscience réprouve, quand des juges légalistes sont écartés, marginalisés, neutralisés ou confinés à l'exil, quand des militants politiques sont traités de "terroristes", quand des victimes vous disent: "Je ne porterai pas plainte car, ici, être victime, c'est déjà être coupable", quand des défenseurs des droits de l'homme ou des responsables de l'ONU sont invariablement traités de menteurs, comme je le serai peut-être moi-même, je leur dis : "Ne baissez pas la tête."»

Louis Joinet épingle les polices parallèles, en particulier les Brigades spéciales, connues par leur T-shirt noir portant l'inscription «BS»