Kigali de notre correspondant
Dans les locaux d'Umuseso, au fond d'une cour du centre de Kigali, une foule d'enfants s'anime. Le directeur de l'hebdomadaire, Robert Sebufirira, vient de débarquer avec les 4 500 exemplaires du journal, que ces enfants vont aller vendre à la criée. «Ça fait deux semaines qu'ils viennent tous les jours pour voir si le journal est arrivé», sourit Robert Sebufirira, un journaliste de 23 ans. Car le dernier numéro d'Umuseso, seul journal indépendant au Rwanda, avait été saisi le 19 novembre par les autorités. Et cinq journalistes avaient été placés en garde à vue avec leur chauffeur, quarante-huit heures durant.
«Umuseso existe depuis trois ans, et c'est la cinquième fois que la police m'arrête.» McDowell Kalisa rit jaune. Directeur adjoint de cet hebdomadaire en kinyarwanda, la langue nationale, il en est aussi le journaliste le plus en vue, et donc le plus exposé aux sanctions du pouvoir. «Je commence à craindre pour ma vie, j'ai reçu des menaces, dit-il, mi-inquiet mi-rieur. La vérité, c'est que le gouvernement a peur de la critique.» Plusieurs personnes, dont des membres d'ONG internationales qui participent au financement du journal, défilent dans le petit bureau pour venir féliciter Robert et McDowell, qui ont réussi malgré tout à sortir un nouveau numéro. L'ambiance est à la fête.
Propagande. Jusqu'à la prochaine entrave : le gouvernement est sur ses gardes. «Le spectre de 1994 nous rend beaucoup plus vigilants», reconnaît le ministre de l'Inf