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Libération
Reportage

Quand les GI sacrifient Abraham en Chaldée

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Leur base, installée sur le site archéologique d'Our, en éloigne les Irakiens, pas les tribus qui pillent la région.
publié le 8 décembre 2003 à 2h14

Our envoyé spécial

Le guide est irakien mais les seuls touristes autorisés à visiter la maison du vieil Abraham sont les GI. Et ils sont ébaubis d'apprendre que les briques en terre crue qu'ils foulent de leurs gros rangers ont quelques milliers d'années. La Bible et le Coran nous l'ont appris : le père des trois grandes religions monothéistes est né à Our, en Chaldée. Mais l'antique cité sumérienne est à présent sur le périmètre d'une immense base américaine, qui prive les Irakiens de leur passé. Confisquée la sépulture de la reine Shoubad, enterrée il y a 6 500 ans et découverte en 1930 par l'archéologue anglais Leonard Woolley. Pareil pour la haute ziggourat (pyramide babylonienne), édifiée vers 2300 av. J.-C. Et pour le puits voisin où le même Woolley a trouvé traces du... Déluge. Et, un peu plus loin, toutes neuves à cause d'une restauration abracadabrante voulue par Saddam Hussein, les ruines qui seraient la demeure natale du patriarche. Qu'importe si, aujourd'hui, les archéologues moquent les élucubrations de Woolley, la maison d'Abraham a sa place dans l'orgueil irakien.

Photos devant les ruines. La base, campée au milieu de la steppe où sont entraînées les recrues de la future armée irakienne, est précédée d'un alignement d'une dizaine de bouis-bouis. Le GI y est roi. Ou plutôt ses dollars. Les fast-foods s'appellent Georgia, Washington ou Hungry Wolf («le Loup affamé»). A l'entrée du site, les soldats américains n'ont pas envie de laisser passer les journalistes. Cha