Guzelyurt, Karpas envoyé spécial
L'idée d'un nouvel exil ranime des souvenirs douloureux. Mais Sami Solyali, réaliste, serait prêt à laisser sans trop de regrets sa maison de deux étages, construite il y a dix ans, avec son petit jardin amoureusement entretenu. «Nous rendons de la terre, juste un peu de terre, et en échange nous obtenons un statut reconnu et surtout un ticket d'entrée pour l'Europe», soupire ce dentiste quinquagénaire de Guzelyurt, grosse bourgade de 15 000 habitants, au nord-ouest de Chypre. Il y est arrivé enfant avec ses parents lors des grands échanges de populations, en 1975, un an après l'invasion par l'armée turque du nord de l'île, contraint de quitter son village natal près de Paphos, au Sud, en zone grecque. Aujourd'hui, comme tant d'autres Chypriotes turcs de souche, il soutient à fond le plan Annan, le projet de réunification présenté l'an dernier par l'Onu, mais refusé par Rauf Denktash, le très nationaliste président de l'autoproclamée république turque de Chypre du Nord (RTCN).
Partants indemnisés. A quelques kilomètres au-delà des luxuriantes plantations d'agrumes, se dressent les miradors et les barbelés de la «ligne verte» qui divise toujours l'île. Au sud, la république de Chypre, 60 % du territoire avec ses 600 000 habitants grecs, qui intégrera l'UE en mai. Au nord, la RTCN, 200 000 habitants, chypriotes turcs et turcs immigrés d'Anatolie, reconnue seulement par Ankara, qui assure près de la moitié du budget et y maintient 35 000 soldats.