Port-au-Prince, envoyé spécial.
L'histoire du «bébé-pilon» est un épouvantable récit de magie noire, qu'aucune preuve n'étaye, mais auquel la plupart des Haïtiens croient dur comme fer. Elle prétend que Jean-Bertrand Aristide, alors chef de l'Etat, a fait venir en 2001 dans son palais un grand sorcier. Celui-ci lui a prédit des jours sombres, à moins qu'il ne sacrifie à coups de pilon un agneau né vers minuit. Mais, la nuit choisie, l'animal n'a pu être trouvé. Alors c'est un bébé qui l'a remplacé. Kidnappé dans une maternité, il a été sacrifié. Un nourrisson a bien disparu de l'hôpital de Canapé-Vert à cette époque. Mais rien n'indique que l'ex-dictateur fut derrière l'enlèvement. Pourtant, la rumeur a gonflé, pour devenir légende. Et nourrir les slogans des manifestants anti-Aristide : «Nou pilé béton an, nou pa pilé ti bébé» (nous piétinons le bitume mais nous ne pilonnons pas les petits bébés). Directeur de l'Odred (Organisation pour le développement et le respect de la démocratie) et infatigable militant des droits de l'homme, Jean Macky ne doute pas une seconde de la véracité de cette histoire. Pour lui, elle s'inscrit dans la «chimérisation» absolue de la société haïtienne mise en place par le dictateur déchu, une entreprise occulte mêlant politique, sorcellerie et gangstérisme, à l'oeuvre particulièrement à Cité-Soleil, le plus grand bidonville de Port-au-Prince.
Bicoques de tôle rouillée
Cité-Soleil compte 500 000 habitants, répartis en 34 quartiers. Une misère qui sau