Bagdad, envoyé spécial.
Assis sur les talons, devant leurs camions vides, les routiers de la société de transport Al Hadj al-Khaouf tuent le temps à grandes lampées de thé brûlant. Chômage technique et humeur morose. «C'est la ruine», grommelle Abbas Chaïdan Shoukar, directeur de cette très ancienne coopérative installée au coeur économique de Bagdad, sur le marché de gros d'Al-Shorja, «depuis le début des événements à Fallouja et à Najaf, l'activité tournait au ralenti. Entre cinq et six chargements par jour au lieu de douze. Désormais, je peine à remplir un camion et voilà que les Américains ont décidé de fermer les autoroutes. C'est une catastrophe. Plus une marchandise en commande depuis samedi. Les commerçants ne veulent pas prendre le risque de faire passer leurs denrées par des routes secondaires. Personne ne sait qui les contrôle.» Devant leurs diables inutiles, les trimardeurs renchérissent. «Je gagnais 18 000 dinars par jour (une dizaine d'euros, ndlr), explique Tahar Majdi. Maintenant je touche 2 000 dinars. J'en dépense 1 500 pour mes repas et 500 pour les cigarettes. Quand je rentre chez moi, je n'ai pas un sou en poche. Comment nourrir ma famille ?» Dans une capitale asphyxiée par de gigantesques embouteillages, la décision des forces d'occupation d'interdire la circulation sur tous les grands axes frappe de plein fouet le secteur du négoce, principal pourvoyeur d'emplois. Et le bazar, sa petite bourgeoisie commerçante, qui formait pourtant la base sociale la mo