Bangkok, de notre correspondant.
Les quelque 3,5 millions de musulmans, à plus de 95 % sunnites, du sud de la Thaïlande constituent probablement la minorité ethnique la moins intégrée à l'Etat-nation thaïlandais. D'abord parce que leur culture malaise diffère radicalement de celle de l'énorme majorité des Thaïs, bouddhistes. Dans les villages de pêcheurs de Yala et de Pattani, le jawi, un dialecte malais, est encore la langue de communication. S'y ajoute un rattachement tardif et controversé au royaume du Siam. Ce n'est que par l'effet du traité anglo-siamois de 1909 que l'ancien sultanat de Pattani, qui était, jusqu'au XIXe siècle, un centre prestigieux d'apprentissage de l'islam, devient partie intégrante de la Thaïlande, sous la forme de quatre nouvelles provinces : Pattani, Yala, Narathiwat et Satun.
Le fossé culturel s'est agrandi pendant la période des dictateurs nationalistes au pouvoir à Bangkok entre les années 30 et les années 70. On humilie publiquement ceux qui portent l'habit malais pour les forcer à mettre veste et chapeau. Les enfants sont obligés d'apprendre les prières bouddhiques et de saluer la statue du Bienheureux. Le jawi ne peut être parlé publiquement. Cette tentative de «siamisation» aux forceps provoque, à la fin des années 60, l'éclosion de plusieurs mouvements séparatistes, l'Organisation unie de libération de Pattani (PULO) ou le Front de révolution nationale (BRN), qui ont parfois bénéficié du soutien de la Libye et de la Syrie. Mais ces mouvement