Les rues seront aux couleurs du crépuscule madrilène : rose, ocre et argent. Le ciel sera silencieux : fermeture de l'espace aérien pendant quarante-huit heures. Et la boda real (noce royale) sera monumentale. Le mariage entre le prince héritier Felipe, 36 ans, et la roturière Letizia Ortiz, 32 ans, demain, a été conçu comme l'événement du siècle en Espagne. C'est ainsi que l'entend le roi Juan Carlos.
Les autorités du pays sont à l'unisson et les médias contribuent à créer une fièvre collective, quitte à verser dans un romantisme complaisant. C'est «un conte de fées devenu réalité», pour la chaîne publique TVE ; «le mariage de tous les Espagnols», pour le quotidien El Pais... Il est vrai qu'il n'y avait pas eu de boda real en Espagne depuis... mai 1906, lorsque le Bourbon Alfonso XIII épousa Victoria Eugenia de Battenberg. En 1962, l'actuel monarque, Juan Carlos Ier, avait dû passer la bague au doigt de la Grecque Sofia à Athènes, dictature franquiste oblige.
Il est vrai aussi que les noces de demain constituent un moment historique pour la monarchie espagnole. Depuis le XIXe siècle, de ce côté-ci des Pyrénées, les Bourbons se sont toujours imposés à la faveur d'un désordre politique et n'ont souvent été qu'une parenthèse. Jusqu'à aujourd'hui. «Ce mariage augure la continuité dynastique et institutionnelle et va renforcer à coup sûr les liens de la société et de la Couronne», résumait, en début de semaine, la vice-présidente du gouvernement socialiste, Teresa Fernandez de la