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Libération

Fallouja de tous les maux chiites

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publié le 21 juin 2004 à 1h09

Sadr-City, envoyé spécial.

Une dizaine de bambins entrent dans la pièce et l'on se dépêche de cacher les clichés qui passent de main en main dans l'assistance. «Il ne faut pas que les enfants les voient. Ce sont leurs pères qui sont sur les photos», murmure un vieillard. Déjà, les regards les plus endurcis s'étaient voilés de tristesse et de larmes en découvrant les images. Pas un éclat de voix, pas une injure, pas une malédiction, pas un appel à Dieu... Comme si l'abomination avait cloué les langues de la vingtaine d'hommes de tout âge que le deuil a rassemblé dans cette maison de Sadr-City (ex-Saddam-City), la grande banlieue chiite de Bagdad. «Nous appartenons à une grande tribu, les Rabiat (qui occupe le centre de l'Irak, ndlr). Et, dans toute notre histoire, nous n'avons rien connu de semblable. Même sous Saddam Hussein...», lance Mohammed Taresh, un notable tribal. Les photos représentent des cadavres. Des corps nus, hachés, mutilés, tellement torturés qu'on dirait qu'ils ont été plongés dans des bains d'acide. Des visages comme éclatés où les yeux ont été arrachés. Les victimes ont été achevées par ce qu'on appelle ici une «balle de charité».

La tragédie de ces familles chiites, qui vivent du transport, commence au carrefour al-Faïdhi de Bagdad. Là, un fournisseur irakien leur propose de livrer des tentes à Fallouja. Destinataire : l'armée locale qui, depuis la trêve entre les Marines américains et les combattants islamistes, a le contrôle ­ très théorique ­ de cette ci