Oulan-Bator envoyé spécial
Le contraste est saisissant : les photos dispersées dans un grand cadre qui trône en bonne place dans la yourte montrent des cavaliers fiers sur leurs chevaux dans la steppe, une famille souriante au coeur de l'immensité mongole. Aujourd'hui, dans cette tente plantée dans la grande banlieue d'Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, la famille de Dawaagerel est tombée au fond du gouffre social, marginalisée et sinistrée.
Dawaagerel est une femme de 45 ans, qui tente de sauver du naufrage une famille de six enfants. Cette nomade a fui en ville avec ses enfants un mari qui a sombré dans l'alcoolisme, fléau national, et est incapable de faire face aux rigueurs du climat et de la vie des steppes. Le mari l'a retrouvée à Oulan-Bator, et, tout en jurant qu'il a cessé de boire, traîne sa gueule de bois dans cet environnement urbain qui le dépasse. Ils viennent d'installer leur yourte dans le quartier du «rocher jaune», à l'extrême limite d'Oulan-Bator, dans une de ces zones de bidonville à la mongole qui abritent depuis plusieurs années les victimes d'un inexorable exode rural.
Deux hivers très rudes
Dawaagerel tient dans les bras un nouveau-né, l'enfant sans père de sa fille de 18 ans qui n'a ni éducation, ni emploi fixe. Trois de ses fils traînent leur ennui auprès d'elle, sans énergie ni désirs, tandis que son mari, assis à flanc de colline, a le regard perdu vers l'immense steppe qui commence à quelques mètres de là. Le seul revenu de la famille provient des