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Libération

Sadjid Kaddoum, martyr de la scène à la réalité

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Abonné aux rôles de martyr du théâtre chiite, cet acteur irakien a été abattu par des soldats américains qui l'interrogeaient, le 17 mai, après avoir été dénoncé par erreur.
publié le 15 juillet 2004 à 1h27

Bagdad, envoyé spécial.

L'acteur Sadjid Kaddoum Bouri al-Bawi jouait surtout des rôles de martyr dans les pièces du théâtre religieux chiite. Sur tout un mur, à l'intérieur de sa maison, dans le pauvre quartier d'Al-Kamalaya à Bagdad, une immense fresque représente la bataille de Kerbela, épopée fondatrice de l'histoire sainte du chiisme. Et sur un portrait on le voit costumé pour interpréter Abbas, le demi-frère de l'imam Hussein, qu'il accompagna jusqu'au bout de sa Passion. Le 17 mai, à quelques mètres de la fresque et de cette photo, la vie et le rôle de l'acteur se sont brutalement rejoints. Sadjid a été abattu de sang-froid par des soldats américains qui l'interrogeaient, et qui ont ensuite dissimulé son cadavre. Un mois et demi plus tard, l'US Army, après avoir d'abord nié les faits, vient enfin d'accepter de dédommager la famille. Une façon de reconnaître sa culpabilité.

Informateur encagoulé. Tous ses proches sont unanimes pour dire que Sadjid, un homme corpulent de 42 ans, a toujours plaidé la coopération avec les forces américaines, auxquelles il savait gré d'avoir débarrassé son pays de Saddam Hussein. Il ne faisait pas de politique et se réclamait de l'école de feu le grand ayatollah Al-Khoï, qui incarne la ligne traditionnelle du chiisme, à l'opposé du courant du jeune chef Moqtada al-Sadr. Pourtant, ce 17 mai, vers 3 heures du matin, un groupe de soldats américains de la 1e brigade de cavalerie fait irruption dans sa maison, arrachant la porte d'entrée du jardin