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Libération

L'automne du patriarche de la guérilla colombienne

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Harcelé par l'armée, Manuel Marulanda, le chef des Forces armées révolutionnaires de Colombie, alterne combats et dialogue avec les pouvoirs successifs, sans baisser la garde.
publié le 16 juillet 2004 à 1h28

Bogota, de notre correspondant.

Quand il a été averti de l'attaque de son fief de Marquetalia par au moins 12 000 soldats, ce jour de mai 1964, Pedro Antonio Marin serait resté imperturbable. «Plus ils sont nombreux, plus ça fait de cibles», aurait-il lâché à sa troupe, quelques dizaines d'agriculteurs communistes réfugiés dans un recoin des Andes. Puis, très vite, le chef rebelle de 34 ans a organisé la fuite qui allait l'amener, quarante ans plus tard, à devenir le «plus vieux guérillero du monde», à la tête des milices d'extrême gauche les plus puissantes d'Amérique latine : les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), fortes de 17 500 membres.

Dans Marquetalia encerclé, le paysan taiseux, aux yeux moqueurs, était déjà aguerri. Parti enfant avec sa famille pour tenter fortune dans les bourgades du sud des Andes colombiennes, il avait échappé de peu à la mort, peu après le 9 avril 1948. Ce jour-là, à Bogota, les sympathisants du Parti libéral avaient provoqué des émeutes sans précédent pour venger l'assassinat de leur tribun, Jorge Gaitán. La répression du pouvoir conservateur, sanglante et immédiate, parvint en quelques jours au village du jeune Marin. Devant l'avancée des policiers, qui défonçaient les portes des maisons pour exterminer les séditieux potentiels, lui et sa quinzaine de cousins, grandis dans une famille libérale, prirent la poudre d'escampette. A partir de ce jour-là, «Tirofijo» (tir précis), surnom qu'il avait acquis pacifiquement en descendant au