Ahmedabad, envoyé spécial.
«Pendant que des enfants innocents et des femmes sans défense se faisaient brûler vifs, les Néron de l'ère moderne regardaient ailleurs, et étaient probablement en train de débattre du meilleur moyen de protéger les auteurs de ces crimes.» Voici, mot pour mot, ce que déclarait récemment la Cour suprême indienne à propos des autorités de l'Etat du Gujarat, théâtre en 2002 de massacres antimusulmans qui avaient fait plus de 2 000 morts. Evoquant une «fraude» judiciaire et une enquête «tout sauf impartiale», les juges ordonnaient dans la foulée la reconduite, dans un autre Etat, du procès de «l'affaire Best Bakery», devenue le symbole de l'injustice dont les victimes musulmanes des pogroms font l'objet dans cet Etat dirigé par la frange la plus extrémiste du parti nationaliste hindou BJP, qui vient de perdre le pouvoir fédéral.
Quatorze personnes, dont deux enfants en bas âge, avaient été brûlées vives dans une boulangerie au cours de cet «incident», survenu au plus fort des émeutes. Mais les 21 accusés, pourtant clairement identifiés, ont tous été acquittés. «Le système judiciaire du Gujarat est à la botte du gouvernement régional, résume le militant des droits de l'homme Prasad Chacko. Il n'est pas là pour rendre justice, mais pour protéger les accusés hindous.» Et de souligner que de nombreux procureurs, nommés par les autorités locales après les émeutes, sont affiliés à l'organisation fondamentaliste Vishwa Hindu Parishad (VHP, «Conseil mondial hind