Darfour (Soudan), envoyé spécial.
«Les habitants ont l'air d'avoir très peur, pourtant ils restent là. On ne parvient pas à comprendre. C'est comme s'ils étaient retenus prisonniers dans la ville.» Ce médecin français, malgré l'expérience de plusieurs missions sur des guerres civiles africaines, reste perplexe. Kerenik, à trois heures de piste d'El-Geneina, la capitale de l'Etat du Darfour occidental, reste un mystère pour lui. «C'est comme un camp de détention, mais sans les barbelés.» Début juin, plus de 40 000 personnes étaient regroupées ici. Autochtones vivant dans des maisons de brique et des huttes de terre séchée. Déplacés sommairement protégés par des murs de bambou et des toits de paille.
«J'ai tout perdu quand mon village a été attaqué par les Jenjawids. Ma maison a été brûlée, mon bétail et mes réserves de grain, volés.» Butant sur chaque phrase, Osman Adam Mohammed (1) revit la tragédie qui l'a mené à Kerenik. «L'attaque s'est déroulée en février. Le village est vide, maintenant. Les Jenjawids ont tout pris.» Sous le soleil, à près de 45 °C, il renforce les murs de sa hutte qui abrite six personnes. Même s'il a survécu à l'assaut des milices arabes, rien n'est réglé pour Osman. «Nous avons très peu à manger. Nous préparons de la bouillie à base de sorgho.» Et la sécurité ? «Ça ne va pas», répond-il, sans précision. Il baisse les yeux. Inquiet. Deux représentants du ministère soudanais des Affaires humanitaires ont pris note de la conversation. Son nom et chacun de