Détenu à Tokyo, le légendaire champion d'échecs américain Bobby Fischer, âgé de 61 ans, attend que la justice japonaise se prononce sur son éventuelle expulsion vers les Etats-Unis, qu'il a quittés il y a plus de dix ans. Devenu en 1972 un héros de l'Amérique pour avoir le premier brisé la domination russo-soviétique au jeu des 64 cases, l'excentrique Bobby Fischer n'est plus qu'un délinquant qui risque une peine de dix ans de prison.
Revanche. Son crime : avoir joué aux échecs avec le même Boris Spassky qu'il avait défait au championnat du monde en 1972, lors d'un match revanche privé doté de 5 millions de dollars organisé vingt ans plus tard. C'était en 1992 à Belgrade, en ex-Yougoslavie, un pays frappé par un embargo international de l'ONU. Le champion avait été prévenu qu'en empochant les 3,35 millions revenant au vainqueur, il commettait une infraction sur les transactions commerciales et tombait sous le coup de la loi. Il n'en avait pas tenu compte, crachant même en public sur la lettre des autorités américaines. Son challenger, qui vivait déjà en France, n'a, lui, jamais été inquiété.
Fantasque, paranoïaque et antisémite, quoique juif lui-même par sa mère, Bobby Fischer était déjà en désamour avec l'Amérique. Il estimait n'avoir pas reçu les honneurs auxquels il avait droit. Il n'a, par exemple, jamais été invité à la Maison Blanche. Une injustice, devait-il dire plus tard, «après tout ce que j'ai fait pour les Etats-Unis». «Quand j'ai gagné le championnat du monde, en