Maurice, de notre envoyé spécial.
«Comme la vie était douce...» Elodie Jafar, 73 ans, a les larmes aux yeux quand elle évoque en créole Salomon, son île natale. Le poulet à «cinquante sous», le cari de tortue, le séga dansé le dimanche, le poisson «piqué» dans le lagon, l'absence de cyclone... Dans la minuscule case en bois sous tôle de Cassis, une banlieue pauvre de la capitale mauricienne Port-Louis, elle dresse un tableau idyllique du passé brisé des Chagossiens. Cette communauté de 2 000 personnes, descendants d'esclaves, vivait paisiblement sur un chapelet de 65 îlots perdus dans l'océan Indien, à 1 800 km au nord de Maurice.
Au milieu des années 60, la géopolitique fit table rase de cette vie simple. Les trois îles principales Diego Garcia, Salomon et Peros Banhos appartenaient à la couronne britannique depuis 1810. En 1966, un an après avoir «excisé» l'archipel du territoire mauricien (qui acquiert l'indépendance deux ans plus tard) en l'intégrant dans le British Indian Ocean Territory, le Royaume-Uni loue, pour une période de cinquante ans, Diego Garcia aux Américains. Ces derniers souhaitent y installer une base militaire sur la plus grande des îles des Chagos (40 km2), à condition qu'elle reste britannique et que sa population en soit évacuée. Les Anglais obtempèrent. Malgré la condamnation de l'ONU, qui interdit le démembrement des colonies avant leur indépendance.
Aujourd'hui, la question des Chagos dégénère en querelle diplomatique entre Maurice et le Royaume-U