La fille porte des bagues à chaque doigt, sa longue jupe à volants balaye la poussière des ruelles, le garçon arbore un T-shirt délavé frappé d'un énorme signe de paix. Ils ont 20 ans, les cheveux au milieu du dos et le regard pénétré des routards, nonchalants dans la fourmilière du bazar d'Asantole. Australiens, Américains ou Français, ils ont fait le voyage de Katmandou par des vols directs et ont immédiatement converti quelques dollars en liasses de billets de dix roupies frappés à l'effigie du roi du Népal.
Premier rite, le quartier de Thamel, et ses innombrables boutiques, échoppes minuscules secouées par les saccades des machines à coudre et les chansons de Bob Marley, idole locale. Les Népalais, souvent des Tibétains dotés d'un sixième sens infaillible pour le commerce, répliquent depuis trente ans les modèles copiés sur les premiers hippies aperçus à Katmandou, à l'aube des années 70. Sacs à franges, bijoux en cuir, textiles mollassons brodés des éternels symboles Peace and Love, les panoplies Jim Morrison et Joan Baez auront piètre allure à l'université. A Katmandou, c'est une mode persistante. Par une alchimie mystérieuse, n'importe quel jeune diplômé de Harvard se transforme en barbudo hâve et méditatif. Ses pas le guideront à coup sûr vers Freak Street, éden historique, où quelques hippies millésimés, sexagénaires abîmés, mendient roupies et tabac à rouler. Dans l'espoir de passer une nuit au Paradise Lodge ou au Pagoda Guest House, après s'être calé l'estomac ave