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Histoires d'Amour

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Déambulations de 4400 kilomètres de long sur un fleuve- frontière entre deux mondes, la Chine et la Russie, que tout oppose.
publié le 24 août 2004 à 1h52

Il faudrait le bateau ivre de Rimbaud pour descendre le fleuve Amour, au fil de ses eaux noires serpentant à travers le Far East eurasiatique. Aller à la rencontre du grand Van, le seigneur tigre de la taïga. En compagnie de Dersou Ouzala, le coureur des bois golde. Des moujiks et des popes orpailleurs de Tchekhov «qui boivent du champagne en guise d'eau». Des cosaques de Kessel et de leurs «étranges théories de poteaux plantés à intervalles réguliers soutenant des corps nus... cadavres mutilés... par centaines» le long du fleuve. Pour vérifier enfin avec Cendrars que «la mort en Mandchourie/Est notre débarcadère est notre dernier repaire...» (1)

D'abord, on aurait «à Moukden pris le Transsibérien jusqu'à l'embranchement de Vladivostok, loué des chameaux» avec Delteil pour «remonter le fleuve jusqu'au village de Ludmilla...», la «fille fleur au bord du fleuve Amour... en robe courte en toile de Vladivostok» qui «cultive un corps moderne qui se compose d'un ventre pubère et sans reproche, de jambes sûres et d'une poitrine avec ses attributs». C'est que, «dans la province de l'Amour, l'atmosphère froide développe sans ambiguïtés les cellules de la chair...» (2). Elle exacerbe les fantasmes des poètes, inspire des «paysages imaginaires» (3).

L'Amour fait partie de ces terrae incognitae dont on peut peupler de démons et merveilles les 4 400 km qui en font le plus long fleuve sibérien. Le Polonais Ferdinand Ossendowski raconte «une étrange contrée où se mêlent le Nord et le Sud» (K