"Je me souviens de vous/Et de vos yeux de jade/Là-bas, à Marienbad/Là-bas, à Marienbad...» Sur les routes sinueuses de Bavière, les paroles de Barbara flottent dans l'air. Obsédantes. «Sur le grand bassin du château de l'idole... A Marienbad, à Marienbad.» «L'année dernière...» Les images du film de Resnais surgissent à leur tour. D'immenses parcs peuplés de statues de marbre, de longs couloirs baroques. Marienbad : la ville fantasmée et jamais visitée.
Poste frontière. Drapeau européen. «Bienvenue en République tchèque». Encore vingt kilomètres de villages aux maisons partiellement rénovées avant de découvrir la ville inscrite sur les cartes d'Europe sous son appellation tchèque : Mariánské Lázne. Goethe, Ibsen, Kipling, Gorki, Tolstoï, Dvorak, Chopin... toute la fine fleur du XIXe et du début du XXe siècle a accompli ce périple. C'était alors la station thermale la plus huppée d'Europe après Karlsbad (aujourd'hui Karlovy Vary, située au nord-est de la République tchèque). La Seconde Guerre mondiale et soixante ans de communisme ont relégué le mythe au rayon nostalgie. La Marienbad de Goethe n'existe plus. Celle de Resnais n'a jamais existé.
Avec bec verseur. Aujourd'hui, Marienbad est le paradis thermal des Allemands du troisième âge. Les touristes de moins de 70 ans se comptent sur les doigts d'une main. Le matin, vers 7 heures, lorsqu'il fait encore frais, on les voit trotter en survêtement d'une source à l'autre. Excités comme s'ils allai